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lundi 13 octobre 2008

Confessions nocturnes


J'ai lu quelque part que la nuit était propice aux révélations. Cioran, surement. Pas une ultime référence.

Bref.

3h57, l'omniprésence de l'air conditionné créé un réel micro-climat de ma chambre (un jour glacial, un jour torride - torride pour ce soir), ainsi que mon rythme "un peu" irrégulier de sommeil m'amènent à la conclusion suivante : j'arrive pas à dormir.

Plus sérieusement, on dirait pas mais je suis à la moitié de mon séjour. Enfin, pas vraiment, mais à la moitié de mon semestre de cours. L'occasion de bien me booster pour être nostalgique dans quelques mois des instants que je n'ai pas encore vécu.

Bref.

J'ai du mal à dormir ce soir, mais j'ai de quoi m'occuper. Mentalement. Clairement, la motivation, l'ambition, la compétition, la confiance en soi - si pas trop développée - restent des exemples des bons points de la façon de pensée américaine. Mais il y a un revers à la médaille. Jour après jour, je sens une pression assez inouïe concernant les cours. Et être dans la fac qu'on surnomme "L'Harvard du Midwest" n'aide pas les choses. Vraiment, tous les jours je pense à ce sentiment de se battre contre le temps qui passe. Si en Europe on est bloqués par notre hésitation, notre crainte, notre doute, ici, chaque individu risque l'overdose.

Je reste surpris de voir qu'ici, tout le monde ne prend pas les choses comme moi. Certains de mes collocataires, où d'autres que je connais ont le temps de glander, de regarder la TV, des films, d'aller faire du sport. Il peut s'agir de mes cours, et de mon niveau. Mais je crois qu'il s'agit aussi d'adaptation.

Les dernières semaines, ce sentiment avait été atténué pour la bonne et simple raison que j'avais mis de côté quelques lectures normalement demandées pour les cours. Malheureusement, ces 4 derniers jours, sensés être des vacances, ont été l'occasion de me remettre à jour et de me remettre... dans la course. La course contre la montre.


Par exemple, entre les lectures à préparer et celles à rattraper, j'avais pas moins de 156 pages à lire pendant ce "break". Défi loin d'être relevé : j'ai lu environ 120 pages et je dois revenir pour quelques prises de notes sur 25 d'entre-elles. Et, Dieu, merci, pas de rédaction ou test à préparer pour demain. Il n'empêche que c'est suffisant pour me "faire du souci" (comme on dit dans mon département d'origine), ne serait-ce qu'en pensant à mes lectures de cette semaine que je ne saurai surement finir, mon test d'une des matières la semaine suivante, la petite surprise en lien avec mon activité journalistique cette même semaine, et les gros boulots (indiv ou en groupe, oraux et écrits) qui viendront peaufiner la longue série de travaux demandés.

C'est aussi l'illustration du système américain. Tout pendant qu'on est dans la course (études, surtout s'ils sont d'un bon niveau ; travail avec poste important), il y a cette rigueur extrême, ce "boost" permanent. Toujours faire plus. Mais dès qu'on lâche, le "rêve américain" n'est plus qu'un lointain souvenir. On peut perdre du jour au lendemain, ici. Je ne peux m'empêcher de penser au cliché du caissier de Mc Do. Mais Walmart marcherait aussi.

Du coup, alors que mes confrères de l'Hexagone ou d'Europe, apparemment bien moins stressés que moi, ont passé un week-end à ce qui parait génial à Chicago, je suis resté ici...... Bon, il faut dire qu'on a un peu foiré nos plans avec quelques amis et qu'on avait aussi prévu d'y aller. Mais de toute façon, si nos plans avaient marchés, je serais dans d'encore plus beaux draps !

Pas le temps de voyager, mais aussi pas trop le temps de profiter, de parler autant que je voudrais, de regarder ce qu'est la TV américaine, de visiter la ville - aussi petite qu'elle puisse paraitre sur Google Maps -, de regarder ne serait-ce qu'un seul épisode de cette série pourtant si extraordinaire qu'est The Wire...

Et surtout, pas le temps de vous raconter tout ce que je vois, tout ce que je vis, tout ce que j'esquisse dans ma tête, et parfois, tout ce que je comprends. Je dis à mes quelques amis qui m'écrivent que j'avoue écrire trop "épais" sur le blog, mais que je considère que si la vie est complexe, son expression doit l'être aussi. Mais je suis loin d'imaginer à quel point cela est vrai : j'ai tout simplement des milliers de choses à raconter. Mon petit journal que je tiens tous les jours regorge de faits ou de réflexions qui mériteraient des paragraphes entiers. Mon caméscope est rempli, et je n'ai pas de temps de monter ne serait-ce qu'une vidéo. Et pourtant, je suis loin de l'utiliser tous les jours, le caméscope.

Le temps me compresse. Où est passé le calme et la tranquillité de vivre que tout le monde me prête, ici ?



Mais derrière ce tableau assez sombre, il faut voir ce qui explique qu'un système aussi agressif compte encore des adeptes. C'est tout simplement que tout a une autre dimension aux US. Si l'activité, le boulot, les études, prennent tous le temps et l'énergie, les relations, en particulier, suivent le pas. Ce que je veux dire, c'est que les gens semblent être plus proches les uns des autres - au moins dans le cadre des groupes d'amis proches. Et on ne perd pas de temps à attendre "de se connaitre" comme en Europe : ici, on sait dire aux gens qu'on les aime. Sans attendre. Et pour vivre ça jour après jour, je peux témoigner que j'ai déjà vu pire système. C'est le moins que je puisse dire. Et tout ça sans parler des nombreux internationaux tous plus incroyables les uns que les autres. Clairement, et quelqu'en soit le prix, de tels rencontres et de tels moments d'échanges ne demandent qu'à une chose : en vouloir plus.

Et voilà. Je suis bien devenu Américain.

Samuel

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